L’affaire Anas al-Sharif : les mensonges, les falsifications et la propagande mensongère des génocidaires

Anas al-Sharif. Source : chaîne d'Anas al-Sharif sur X, 9 février 2025

Berlin, Allemagne (Weltexpress). Israël se vante d’avoir délibérément assassiné le journaliste Anas al-Sharif et cinq de ses collègues dans la bande de Gaza. Mais les arguments avancés par l’État pour justifier cette nouvelle atrocité ne sont qu’un ramassis de mensonges, de falsifications et d’absurdités.

Le journaliste d’Al-Jazeera Anas al-Sharif a documenté pendant 22 mois les atrocités commises par Israël dans la bande de Gaza. Le jeune homme de 28 ans était depuis longtemps une épine dans le pied des auteurs du crime. Pendant des mois, ils l’ont menacé et calomnié dans le cadre d’une campagne de diffamation le qualifiant de « terroriste du Hamas », avant de l’assassiner dimanche soir, ainsi que ses collègues Mohammed Qreiqeh, Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal, Moamen Aliwa et Mohammed al-Khalidi, lors d’une attaque ciblée contre leur tente dans la ville de Gaza. Israël tente d’étayer cette accusation avec des « preuves », mais celles-ci sont difficilement vérifiables, au moins en partie falsifiées et constituent un blanc-seing pour la barbarie.

Anciens selfies

Pour « prouver » la prétendue appartenance d’al-Sharif au Hamas, l’armée israélienne a utilisé d’anciennes photos de style selfie classique le montrant avec le dirigeant du Hamas Yahya Sinwar. Israël avait tué Sinwar en octobre 2024 dans les ruines de la ville de Rafah, dans la bande de Gaza complètement bombardée, après qu’il eut pris la succession du chef politique du Hamas, Ismail Haniyya, tué deux mois et demi plus tôt.

L’ambassade d’Israël à Berlin a également diffusé une telle photo sous le slogan « La vérité sur le « journaliste » Anas al-Sharif », dans le but évident de discréditer ce dernier et ses reportages quotidiens réalisés jusqu’à peu avant sa mort dans la bande de Gaza bouclée et détruite par Israël.

Il est difficile de vérifier l’authenticité des photos, car l’intelligence artificielle offre de nombreuses possibilités. Mais cela n’a finalement aucune importance, car de telles photos ne constituent bien sûr pas une preuve d’appartenance au Hamas, d’autant plus qu’elles datent manifestement de plusieurs années. Même une appartenance réelle au Hamas ne serait d’ailleurs pas un motif de meurtre. En effet, en droit international, la simple appartenance à un groupe ou l’expression d’une opinion ne font pas de quelqu’un un combattant actif. Or, dans la bande de Gaza, il ne s’agit même pas d’une guerre au sens propre du terme.

De prétendues « listes du Hamas »

L’armée israélienne (IDF) a également diffusé de prétendues « listes du Hamas » en se référant à « des informations des services secrets et des documents provenant de Gaza », sur lesquelles figurerait le nom d’al-Sharif. Leur authenticité est toutefois douteuse, d’autant plus que ce n’est pas la première fois que l’IDF diffuse de fausses listes.

Fin 2023, par exemple, l’armée a présenté une prétendue « liste du Hamas » pour justifier le bombardement de l’hôpital Al-Shifa à Gaza, qui était jusqu’alors le plus grand et le plus important hôpital de la bande de Gaza. Cette liste était censée prouver l’existence d’un prétendu « centre de commandement du Hamas » sous le site.

Peu de temps après, la prétendue liste de combattants s’est avérée être un simple calendrier – et les noms supposés des « terroristes » étaient en fait les jours de la semaine – un mensonge éhonté que seuls quelques médias qui l’avaient diffusé ont rectifié, dont france24.

À ce jour, l’armée israélienne n’a pas non plus présenté d’autres preuves de l’existence de ce « centre de commandement ». Il s’agissait d’un mensonge propagandiste, comme c’est probablement le cas pour al-Sharif.

Faux « message Telegram »

De plus, une prétendue « preuve ultime » de l’« appartenance au Hamas » d’al-Sharif a été relayée par de grands médias occidentaux, dont le tabloïd allemand Bild, publié par Axel Springer : un prétendu message Telegram du journaliste tué, daté du 7 octobre 2023, dans lequel il aurait applaudit l’attaque lancée depuis Gaza par le Hamas et d’autres groupes contre Israël.

Cette prétendue capture d’écran est toutefois reconnaissable comme un faux dès le premier coup d’œil. En effet, outre d’autres anomalies, elle comporte, au bas du « message », une date de publication, alors que les véritables messages Telegram n’indiquent que l’heure et le nombre de vues. Sur les chaînes Telegram, la date n’est visible que sur le premier message de la journée. Le site web The Skwawkbox a dénoncé ce faux le jour même. Malgré cette évidence, le journal Bild, appartenant au groupe Springer, a cité cette fausse image comme s’il s’agissait d’un fait avéré.

Le conte de fées Hasbara de Fischberger

C’est manifestement le célèbre propagandiste israélien Eitan Fischberger qui a diffusé cette fausse information Telegram. Peu après l’assassinat des journalistes, il a publié l’image sur X et l’a accompagnée du commentaire suivant : « À tous les journalistes qui m’ont demandé si cette capture d’écran était authentique : oui, elle l’est à 100 %. » Il a ensuite inventé une histoire selon laquelle al-Sharif aurait supprimé le message, mais qu’il l’aurait restauré dans les archives web.

Fischberger se décrit sur la plateforme LinkedIn comme « chercheur, auteur, analyste et conseiller stratégique à Jérusalem ». Il est toutefois connu depuis longtemps pour diffuser des campagnes de propagande israéliennes. Le 30 juillet, onze jours avant l’assassinat d’al-Sharif et de ses collègues, il a lancé le mensonge du gouvernement israélien selon lequel il n’y avait pas de famine dans la bande de Gaza due au blocus israélien. Car, selon leur « argumentation », certains des nombreux enfants affamés montrés auraient souffert d’une maladie préexistante.

Or, le blocus alimentaire imposé par Israël, que Tel-Aviv applique avec plus ou moins de rigueur depuis le début du génocide, mais qui s’est considérablement durci depuis début mars de cette année, est bien documenté et prouvé par les organisations humanitaires occidentales et les médecins, tout comme ses effets catastrophiques. Ce type de jeux de la faim n’est d’ailleurs pas nouveau : depuis les années 1990, Israël restreint l’importation de nourriture et d’autres biens dans les territoires palestiniens occupés. Depuis le début du siège total de la bande de Gaza en 2006, le gouvernement israélien calcule même les besoins caloriques des habitants.

Arguments fallacieux

Venons-en maintenant au point le plus important : même si tout cela était vrai, toutes ces prétendues « listes du Hamas » et « captures d’écran » ne constitueraient pas un argument valable. La seule chose qui pourrait justifier l’assassinat d’al-Sharif au regard du droit international serait la preuve qu’il était impliqué dans des combats actifs juste avant son assassinat. Mais cela peut être exclu, car quelques minutes avant sa mort, il a publié son dernier article sur X, dans lequel il rendait compte des graves frappes aériennes israéliennes sur la ville de Gaza et partageait une courte vidéo.

L’argumentation d’Israël est non seulement contraire au droit international, mais aussi dangereuse et stupide. Selon cette logique, chaque partie belligérante pourrait tuer tous les civils qu’elle pourrait prouver comme étant proches du régime ennemi : infirmières dans les hôpitaux publics, policiers, employés des autorités publiques, membres d’un parti au pouvoir, députés et journalistes qui couvrent l’actualité du gouvernement.

Oui, selon cette « logique », même l’attaque du Hamas contre toutes les victimes civiles juives israéliennes âgées de plus de 18 ans serait « légitime », car on sait qu’Israël les enrôle toutes dès leur majorité, à l’exception des étudiants ultra-orthodoxes de la Torah. Ainsi, ces personnes tuées ont nécessairement eu des contacts avec l’armée ennemie au cours de leur vie, et peut-être encore aujourd’hui. Les propagandistes israéliens devraient donc réfléchir un peu plus à leur « argumentation ».

Des meurtres systématiques

Al-Sharif et ses cinq collègues ne sont pas les premiers représentants de la presse assassinés par Israël. Selon une analyse de la chaîne Al Jazeera basée sur des listes de noms fournies par plusieurs organisations, Israël a tué jusqu’à 274 journalistes, photographes et assistants travaillant pour différents médias dans la bande de Gaza en deux ans, dont beaucoup de manière ciblée.

L’organisation « Reporters sans frontières » a donc, selon ses propres informations, déposé jusqu’à présent quatre plaintes devant la Cour pénale internationale (CPI) contre des responsables israéliens. Le fait est que dans la bande de Gaza, où plus de deux millions de personnes sont désormais entassées sur seulement 40 à 70 kilomètres carrés, la puissance occupante a tué plus de représentants de la presse que dans n’importe quelle autre guerre depuis la Seconde Guerre mondiale.

Tuer la vérité

Même avant l’attaque du Hamas il y a près de deux ans, Israël s’en prenait systématiquement aux journalistes indésirables. Le 11 mai 2022, un tireur d’élite israélien a assassiné la journaliste d’Al-Jazeera Shireen Abu Akleh d’une balle dans la tête dans la ville de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée illégalement. Là encore, les enquêteurs palestiniens et internationaux ainsi que les médias ont d’abord dû lutter contre une campagne de désinformation lancée par Israël. Finalement, l’armée israélienne a reconnu les faits, mais les a présentés publiquement comme une « erreur ».

Le motif, aujourd’hui comme hier, est évident : l’État d’Israël, qui occupe illégalement tous les territoires palestiniens selon un avis consultatif de la Cour internationale de justice et y applique un système raciste et discriminatoire qui prive les Palestiniens de leurs droits, veut empêcher la couverture médiatique de ses atrocités commises en boucle – en éliminant systématiquement les journalistes. Mais on ne peut pas tuer la vérité indéfiniment.

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