Allemagne – Une manipulation de l’opinion effrayante à l’exemple d’ARD

L'éléphant de la télévision. Source : Pixabay, photo : otrags

Berlin, Allemagne (Weltexpress). Une analyse sensationnelle d’un grand quotidien suisse (NZZ) a mis en évidence l’abus politique des fact-checks en Allemagne. Ce sont surtout les chaînes publiques qui, à l’aide de cette méthode, manipuleraient l’opinion de la société dans le sens de la politique gouvernementale.

La Neue Zürcher Zeitung (NZZ) n’est pas n’importe quel journal suisse. Il est lu dans tout l’espace germanophone par les classes supérieures qui s’intéressent à la politique et à l’économie et qui apprécient les reportages indépendants des querelles des partis allemands. Un autre cercle de lecteurs, bien que plus restreint, est constitué d’analystes qui, pour des raisons professionnelles, suivent les développements en Allemagne pour des organisations internationales ou pour leurs autorités gouvernementales. La NZZ est donc un facteur non négligeable dans la formation de l’opinion à l’étranger sur les développements en Allemagne. J’en ai fait l’expérience au cours de mes longues années d’activité internationale.

Dans ce contexte, il est tout à fait sensationnel que la très respectée NZZ ait présenté le 28 janvier une analyse intitulée « Abus politique des fact-checks – l’Allemagne est un exemple dissuasif » , pour ensuite entrer directement dans le vif du sujet avec une vérité brutale : « Des journalistes activistes veulent influencer l’opinion publique avec des fact-checks unilatéraux. Cette autocratie sape la crédibilité des médias. Les jugements sont généralement impitoyables : ‘mensonges’, ‘désinformation’, ‘fausses allégations’ – c’est ce que l’on entend lorsque les journalistes du département ‘fact-checker’ de l’ARD vérifient des reportages dans d’autres médias ».

Ces jugements des fact-checkers, généralement basés soit sur l’ignorance, soit sur les œillères idéologiques des fact-checkers, sont généralement utilisés pour discréditer les contenus médiatiques qui vont à l’encontre du récit gouvernemental. Mais lorsque les chercheurs de faits ne maîtrisent même pas correctement la langue à partir de laquelle ils doivent traduire ou le domaine sur lequel ils écrivent, il n’est pas rare que des résultats bizarres en résultent.

Moqueries et railleries pour les fact-checkers de l’ARD

La NZZ fait référence à titre d’exemple à un cas datant de 2023, dans lequel les factcheckers mandatés par l ‘ARD ont examiné l’article du journaliste américain Seymour Hersh. Hersh y affirmait que ce n’était pas la Russie, mais les Etats-Unis qui étaient responsables de la destruction du gazoduc Nord Stream en mer Baltique. Selon la NZZ, les « chercheurs de faits » de l’ARD ont tout simplement qualifié cette thèse « d’aventureuse ».

Pour étayer leur affirmation, les « faiseurs de faits » de l’ARD ont en effet argué que Hersh avait écrit dans son article que les auteurs des attentats avaient placé des « explosifs en forme de plantes » sur les gazoducs afin de camoufler les bombes. De tels « faux végétaux », expliquent les « faiseurs de faits » de l’ARD en se référant à un expert en explosifs, sont trop fragiles pour être utilisés dans l’eau. Même s’il est théoriquement possible de reproduire des « racines d’arbres épaisses » ou des herbes marines avec des explosifs.

En réalité, Seymour Hersh n’a jamais prétendu que les auteurs avaient fabriqué des plantes avec des explosifs. Il avait simplement utilisé le verbe anglais « plant ». « Plant » en tant que substantif signifie “plante” et le verbe “to plant” signifie soit “planter” soit “placer”. C’est dans ce dernier sens que Hersh avait utilisé le mot : à savoir que les explosifs avaient été placés sur les conduites de gaz. Ce « fact-checking » de février 2023 a valu à l’ARD beaucoup de moqueries et de malveillance ; mais malheureusement pas assez pour que l’on cesse de dire des bêtises.

La NZZ fait remarquer que cet incident est symptomatique du parti pris idéologique de nombreux fact-checkings. Les fact-checkers exagèrent souvent pour soutenir certains récits. Le journal critique le fait qu’il ne s’agit pas d’un journalisme objectif, mais d’une mise en scène médiatique.

La NZZ critique également la politisation croissante du fact-checking. Mark Zuckerberg avait par exemple annoncé qu’il ne ferait plus appel à des vérificateurs de faits externes sur Facebook et Instagram car, selon lui, ceux-ci avaient souvent des préjugés politiques et détruisaient plus de confiance qu’ils n’en créaient. Le journal remarque à ce sujet que Zuckerberg a été fortement critiqué pour cette mesure, notamment par des politiques et des médias de gauche, qui ont diffamé cette mesure en la qualifiant d’« invitation à la désinformation ». Dans le même temps, il est précisé que des médias comme la Weltwoche ont salué la décision de Zuckerberg.

L’auteur de l’article de la NZZ, Lucien Scherrer, souligne que la vérification des informations est en principe une tâche centrale du journalisme. Il critique toutefois la suffisance de nombreux vérificateurs de faits. Selon lui, il n’y a souvent pas de vérités absolues, surtout dans les débats politiques, mais seulement des perspectives différentes, selon la source ou l’étude choisie et les préférences personnelles. Mais celui qui se met en scène comme juge de la vérité, alors qu’il ne poursuit en réalité qu’un agenda politique, se décrédibilise lui-même ainsi que sa chaîne ou son journal.

Scherrer cite l’Allemagne comme exemple dissuasif de l’abus des fact-checks. Son article fait référence à des portails soutenus par l’Etat comme « Correctiv », qui agissent souvent comme des organisations politiques en amont. La radio-télévision publique utilise également les fact-checks pour exercer une influence politique. Le journal cite l’exemple de la chaîne ARD, qui a affirmé que le gouvernement allemand n’avait pas autorisé l’immigration illégale en 2015. Pourtant, c’est le contraire qui s’est produit, comme chacun peut le constater : des centaines de milliers de migrants auraient dû déposer leur demande d’asile dans d’autres pays ou auraient franchi la frontière allemande de manière incontrôlée.

Des exemples internationaux étayent la critique de la NZZ

Le « chercheur de faits » de l’ARD a tenté de discréditer les rapports des médias sur les dérives woke dans les écoles et les universités en suivant un modèle similaire. Il a cité l’exemple d’une université australienne qui avait élaboré un guide pour un langage respectueux des genres – et qui a été accusée pour cela de vouloir supprimer les termes de mère et de père. Cette critique, a affirmé le « chercheur de faits », vient surtout de la droite. Elle est trompeuse, car l’université ne veut pas remplacer les termes. Conclusion : il s’agit en réalité d’une « attaque contre la science », selon l’ARD.

L’article de la NZZ indique que le guide de l’université sur le langage respectueux des genres peut être consulté en ligne. On y trouve entre autres la « recommandation » de renoncer au mot lait maternel. Au lieu de mère, il vaudrait mieux dire « parent qui donne naissance ». Et au lieu de père, « parent non accoucheur ». Ces faits sont passés sous silence par les « chercheurs de faits » de l’ARD, soit intentionnellement, soit parce qu’ils n’ont pas vérifié le guide et donc les faits.

Scherrer démontre également des cas dans lesquels les « fact checkers » ont même propagé eux-mêmes des fake news en réinterprétant des événements pour qu’ils correspondent mieux à leur propre vision du monde. Jusqu’à présent, ils n’ont jamais été tenus pour responsables. Scherrer cite en exemple le cas d’un chauffeur de bus assassiné en France en 2020, au plus fort de la pandémie de Corona. Le portail de vérification des faits « Volksverpetzer » a affirmé que les auteurs du crime étaient des « anti-masques ».

L’histoire du motif du masque était une pure invention, comme l’ont montré les recherches de la NZZ et les procédures judiciaires ultérieures. En réalité, les auteurs étaient des voyous ordinaires qui cherchaient la bagarre. Pourtant, l’article est toujours en ligne aujourd’hui. Et le Volksverpetzer, qui avait fait la une pendant la pandémie avec des titres comme « Toute l’Allemagne déteste les négationnistes de la pandémie », continue d’être pris au sérieux par les médias allemands établis – en tant que portail prétendument critique et d’utilité publique.

Pour conclure, Scherrer cite l’ancien homme politique français Georges Clemenceau en ces termes : « La guerre est une chose bien trop sérieuse pour être laissée aux militaires ». Le journal constate que le même principe s’applique à la lutte contre les fake news : celle-ci ne doit pas être laissée à des fact checkers motivés par l’idéologie.

Conclusion

Le fait que les fact-checkers soient en réalité souvent, voire le plus souvent, des déformateurs de faits n’est vraiment pas nouveau pour les lecteurs de RT. Ce qui est nouveau et surtout rafraîchissant, c’est qu’un média mainstream renommé ait enfin trouvé le courage d’aborder ce phénomène de front et de mettre en avant le rôle particulièrement peu glorieux de l’Allemagne. Malheureusement, la NZZ est restée trop longtemps silencieuse sur ces situations hautement embarrassantes. Aujourd’hui, elle s’y met enfin et on se demande si c’est déjà l’effet anti-censure de Trump, qui s’est déjà propagé des Etats-Unis à la Suisse.

La campagne Corona, avec sa censure légitimée par l’Etat, la déformation des faits et les mensonges dans les médias, a ouvert la porte à la situation actuelle. Pendant Corona, les médias autoproclamés de qualité ont généralement dépeint dans leurs interviews des cinglés quelconques comme critiques des mesures gouvernementales, que personne ne pouvait vraiment prendre au sérieux. Les voix différenciées de scientifiques renommés étaient en revanche « annulées ». Ce n’était pas un hasard. La délégitimation de la critique des « négationnistes de la Corona » était très subtile, mais extrêmement efficace. Elle a préparé le terrain pour la répression actuelle, beaucoup plus large, de la liberté d’expression concernant les critiques de la politique gouvernementale.

Les personnes qui demandent la « paix avec la Russie » ou l’« arrêt des exportations de missiles vers l’Ukraine » sont aujourd’hui encore plus mal traitées que les prétendus « négationnistes de Corona » de l’époque. La nouvelle marche de l’Allemagne vers le totalitarisme et le militarisme, à laquelle conspirent les dirigeants du parti unique CDU/CSU, SPD, FDP et Verts, pourrait toutefois encore être freinée, voire stoppée, lors des élections qui auront lieu dans quelques semaines, en mettant une croix au bon endroit.

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