Berlin, Allemagne (Weltexpress). Y a-t-il une sorte de Grand Prix européen de la guerre, et Merz veut-il enfin obtenir douze points pour l’Allemagne ? Ou est-ce une compensation excessive, car il n’y a pas de bouton rouge ? En tout cas, les fantasmes de Taurus du futur chancelier sont extrêmement dangereux.

Alors que l’homme n’est même pas encore chancelier, il rappelle déjà à tout le monde à quel point cela pourrait leur coûter cher. Non, pas seulement parce qu’il a remis en question l’augmentation du salaire minimum, ou parce qu’il a déclaré haut et fort qu’il voulait rendre le fioul et le gaz naturel si chers que les Allemands devraient changer leur système de chauffage, mais parce qu’il a également annoncé que l’impôt sur les sociétés serait certainement réduit, mais que l’impôt sur le revenu ne le serait que très probablement. Non, il va droit au but et remet le Taurus sur le tapis.

Il invoque les missiles russes sur Sumy, ceux-là même qui ont déclenché une dispute entre les politiciens provinciaux ukrainiens pour savoir qui était le vrai gros dur, celui qui avait rassemblé un grand nombre de soldats pour une cérémonie de remise de médailles et qui avait même affiché l’événement dans la ville.

Ce n’est pas la première fois que de telles manifestations de l’armée ukrainienne coûtent très cher, car c’est bien sûr un objectif militaire aussi simple que gratifiant. Mais cette fois-ci, en raison de cette bataille ukrainienne largement visible sur Internet, c’est en tout cas un exploit particulier que de tenir les grands médias allemands en haleine et de ne pas laisser filtrer la moindre goutte de vérité…

Merz s’est en tout cas confié à Carmen Miosga au sujet de ce «crime de guerre évident», ce que la présentatrice, elle-même peu pacifique, a ensuite complété par un extrait de Merz du Bundestag, dans lequel il fantasmait déjà l’année dernière sur des livraisons de Taurus, puis le chancelier en devenir a mis les bouchées doubles en déclarant qu’il fallait détruire «la principale liaison terrestre entre la Russie et la Crimée».

Même les Taurus auraient du mal à le faire, car il s’étend entre Kherson et la Crimée, il est solide et large d’environ six kilomètres, mais, géographiquement bien entraîné comme le président fédéral Steinmeier, qui a autrefois localisé un pont terrestre vers la Crimée près de Marioupol, il pense plutôt au pont de Kertch, sans le mot «terre» devant. Il a la même dent contre ce pont que les dirigeants de Kiev, mais c’est plutôt parce que ce pont de 18 kilomètres de long a été construit en trois ans, ce qui serait totalement impensable en Allemagne. C’est vraiment une impudence de la part de ces Russes de construire un tel pont alors que les Allemands doivent se débattre pendant des décennies avec des projets phares comme Stuttgart 21.

Ce qui est vraiment étonnant, c’est qu’il faut toujours ressasser les mêmes informations, sans que la meute berlinoise ne les reçoive jamais. Merz semble réellement penser que l’accord des autres belligérants d’Europe occidentale sur la livraison de missiles Taurus aurait une quelconque importance : « J’ai toujours dit que je ne le ferais qu’en accord avec les partenaires européens, les partenaires européens fournissent déjà des missiles de croisière, les Britanniques le font, les Français le font, les Américains le font de toute façon. Il faut se mettre d’accord, et si c’est le cas, l’Allemagne devrait participer. »

Il n’est pas étonnant que la maire du village estonien, Kaja Kallas, se réjouisse immédiatement de telles déclarations. Et il y a certainement d’autres candidats qui n’ont aucun problème à ce que les Allemands se jettent volontairement dans la gueule du loup. Merz croit-il vraiment que cela a de l’importance ou fait-il seulement semblant ? Entre-temps, même le New York Times a largement relaté jusqu’où allait la participation des États-Unis dans l’utilisation d’armes américaines. On peut donc considérer que c’est désormais connu, et il en irait de même pour le Taurus allemand.

Il y a tout juste un an, les bavardages de certains militaires allemands au sujet d’une attaque du pont de Crimée à l’aide du Taurus faisaient la une des journaux. Merz semble maintenant convaincu qu’il suffit de sortir les plans du tiroir.

Seulement, et Merz devrait peut-être le réapprendre avant de prendre ses fonctions de chancelier, c’est quand même un peu différent quand ce sont les Britanniques ou les Français qui programment les missiles de croisière pour les Ukrainiens, plutôt que les Allemands. Mot-clé : clause de l’État ennemi. Les répétitions sont toujours un peu ennuyeuses, mais dans ce cas, il est impossible d’éviter de tout répéter une fois de plus… Peut-être que Merz a quelqu’un qui lui chuchote à l’oreille dans son avion privé pour qu’il fasse des bêtises un peu moins dangereuses.

Prenons la clause relative aux États ennemis. Elle fait toujours partie de la Charte des Nations Unies, aux articles 53 et 107. Étant donné que les missiles guidés allemands ne peuvent être utilisés que par du personnel allemand, leur utilisation contre le territoire russe, donc également contre le pont de Kertch mentionné par M. Merz, constituerait un acte de guerre de l’Allemagne contre la Russie. En raison de la clause sur les États ennemis, une réaction immédiate de la Russie contre l’Allemagne serait tout à fait conforme au droit international, sans intervention du Conseil de sécurité de l’ONU.

Il ne sert à rien de se référer au Traité deux plus quatre, qui était censé remplacer un traité de paix. Ce dernier a déjà été rompu, au plus tard par la création du Commandement de l’OTAN pour la Baltique à Rostock, par cette Allemagne dont le sol ne devait « faire que la paix ». Dès que la Russie en conclura qu’il faut agir pour que cet état de fait cesse, les relations avec l’Allemagne seront ramenées au niveau où elles étaient avant ledit traité pendant des décennies : celui d’un cessez-le-feu dans une guerre qui n’a jamais été officiellement terminée par un traité de paix. Si des missiles allemands, avec la participation de l’Allemagne, frappent la Russie, alors d’un point de vue juridique, la Seconde Guerre mondiale continue tout simplement.

Un petit problème que, comme on le sait, ni les Britanniques ni les Français n’ont, ce qui ne change en rien les difficultés de l’Allemagne si les deux pays approuvent le lancement des missiles Taurus. Le fait que les missiles Taurus pourraient même fonctionner sans données cibles américaines, car il existe des données géographiques sur la Russie que l’armée allemande a fait établir il y a quelques années, ne fait qu’empirer la situation.

Cependant, le poids du droit international n’est pas le seul obstacle. Merz part-il vraiment du principe que l’actuel gouvernement américain se réjouirait qu’un nouveau gouvernement allemand fasse échouer ses négociations avec la Russie ? Que se passerait-il si Washington ne réagissait pas à une telle attaque par des louanges et un soutien, mais par l’indignation ? Même les encouragements les plus vigoureux de Londres ou de Paris n’y changeraient pas grand-chose (et encore moins ceux des nains baltes).

Seulement, il y a encore le dragon dans la pièce, que l’on oublie facilement à force de regarder fixement l’ours. Une attaque allemande contre la Russie ? La situation juridique est si évidente que la réaction chinoise pourrait être bien plus sévère que ce à quoi on est habitué. Un peu d’aide de l’Extrême-Orient pour la Russie attaquée ? Comme je l’ai dit, la qualité est complètement différente lorsque de telles attaques sont menées par des Allemands, par rapport à des Britanniques ou des Français… c’est presque gênant d’avoir à l’expliquer.

On peut facilement imaginer ce qui se passe dans la tête de M. Merz. Probablement, dans la tradition d’une obsession des dates historiques, déjà si courante chez les derniers chevaliers de l’Est, il se demande déjà s’il pourrait, à partir de son éventuelle prise de fonction le 6 mai, faire frapper le Taurus le jour de la Victoire. Comme souvenir de sa visite en Ukraine prévue à cette date. Ce qui ne pouvait alors être interprété en Russie que comme une identification avec les agresseurs qui ont été si durement battus en 1945, ce qui a alors forcé l’activation de la clause de l’État ennemi.

De toute évidence, l’irresponsabilité totale est désormais la caractéristique décisive pour être chancelier allemand. Et Olaf Scholz a fait un pas de géant avec son sourire en coin à l’égard de Nord Stream 2, il va falloir faire mieux pour entrer dans les livres d’histoire. Puisque toutes les autres actions qui ruinent le pays ne sont en substance qu’une continuation des maux que Merkel et ensuite la coalition ont déjà créés, une action comme celle de la Taurus est l’une des rares possibilités pour Merz de se démarquer rapidement et complètement de ses prédécesseurs. Peut-être mise-t-il aussi sur une nouvelle hausse des actions de Rheinmetall, avec un petit pari et des salutations amicales à son ancien employeur BlackRock.

N 52° 31’12.205340 E 13° 22′ 9.2568 sont en tout cas les coordonnées de la Chancellerie fédérale, où l’on pourrait retrouver ce monsieur à son retour de Kiev. On ne peut qu’espérer que la Russie, si Merz ne parvient pas à se retenir, limitera sa réponse aux personnes personnellement responsables.

Une chose est sûre : une chancellerie qui menace de commencer par de tels dérapages devrait rester la plus courte possible. Ce qui a été dit devant les caméras de télévision aurait encore suffi, dans des décennies plus raisonnables, à justifier une hospitalisation d’urgence : mise en danger de soi-même et des autres.

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